Christophe Sempels - Vers une régénération écologique et sociale - USI 2023
À la question « est-il suffisant pour une entreprise de limiter son impact négatif sur l’environnement ? », Christophe Sempels répond : « Non ! ». Docteur en Sciences de Gestion, Christophe Sempels innove depuis des années pour créer des modèles économiques plus durables et engager les entreprises dans une bifurcation radicale avec, à son arc, un concept transformateur : la régénération écologique et sociale.
Viser une ambition régénérative
Christophe Sempels en est convaincu : « nous ne pouvons plus nous contenter de limiter notre impact négatif sur les écosystèmes* »*. C’est un changement paradigmatique plus profond qu’il faut opérer et nous devons collectivement viser une ambition régénérative. Une fois ce constat intégré, un énorme défi corollaire est à relever, car si aujourd’hui toutes les entreprises ont intégré la question du carbone, se focaliser sur cet unique aspect conduit à des déplacements de problèmes.
Pour illustrer ce propos, Sempels prend l’exemple des énergies renouvelables, certes moins émettrices en CO2, mais dix fois plus intenses en ressources métalliques que l’énergie fossile, et dont l’extraction constitue un désastre écologique. Conclusion : pour construire les modèles d’affaires de demain, les entreprises doivent intégrer la multiplicité des enjeux, notamment celui de la biodiversité. Comme le rappelle Sempels, seul le vivant dispose d’une capacité de régénération. Par exemple, un vase cassé ne peut pas se régénérer, à l’inverse d’une coupure sur un doigt). « Nous devons reconnecter nos entreprises au vivant » poursuit-il.
Afin d’opérer ce changement de paradigme, les entreprises doivent en premier lieu engager un mouvement de réduction des impacts au seuil incompressible. Plus concrètement, il s’agit de s’aligner sur les prescrits de la science en termes d’impacts négatifs résiduels admissibles. Par exemple, pour le carbone et dans la perspective de rester sur une trajectoire de réchauffement de 1,5°C, il nous faut en moyenne : - réduire de 42% des émissions de CO2 entre 2020 et 2030 - réduire de 90% des émissions de CO2 entre 2030 et 2050
Pour une transformation radicale des modèles d’affaires
Pour mettre en œuvre ces objectifs, de nombreux leviers existent : l’éco-conception, l’éco-efficience, la sobriété énergétique, la low tech, etc. Mais si tous ces leviers sont autant de moyens de réduire les impacts négatifs, ils ne suffisent pas à atteindre les seuils incompressibles. La seule solution, nous explique Sempels, est de changer radicalement les modèles économiques.
Aujourd’hui, les modèles économiques sont volumiques, c’est-à-dire qu’ils imposent de vendre toujours plus d’unités pour se développer, couplés, et s’inscrivent dans une visée de croissance. Cette configuration, nous explique Sempels, n'est pas durable. Les nouveaux modèles doivent danser sur deux jambes : d’une part réduire les impacts négatifs aux seuls incompressibles, et d'autre part générer des impacts positifs sur les écosystèmes et la société.
Inscrire son action dans une dynamique d’impacts positifs nets
Afin de générer des impacts positifs et de se reconnecter au vivant, l’entreprise dispose de plusieurs leviers d’action : son infrastructure et ses équipements via par exemple la végétalisation des bâtiments, son sourcing, ses processus de production et l’utilisation de bioindicateurs.
Pour illustrer de manière très concrète ce changement de dynamique de performance, Sempels prend l’exemple d’un fabricant de pompes à chaleur dont le modèle d’affaires repose sur la vente à l’unité et qui est donc incité à construire des pompes qui ne durent pas dans le temps. Pour Sempels, la solution est simple : il s’agit pour ce fabricant de passer d’un modèle axé sur la vente à un modèle locatif centré sur l’usage.
On peut pourtant encore pousser le cran plus loin et voir si les solutions implémentées peuvent générer des externalités positives. Cette fois, Sempels part d’un vendeur de pneus qui passerait d’un modèle axé sur la vente à un modèle axé sur les kilomètres parcourus. Dans cette deuxième configuration, il est dans son intérêt économique de sensibiliser à l’éco-conduite et au gonflement des pneus. Les co-bénéfices sont alors évidents : une meilleure sécurité des conducteurs et une réduction de la consommation de carburant.
Pour conclure, Christophe Sempels le dit et le répète : engager son entreprise dans un modèle économique régénératif implique une multitude de principes complexes. Selon lui, le principal réside dans l’importance accordée à la robustesse : « les entreprises vont connaître de plus en plus d’aléas, elles doivent donc contrebalancer la logique de performance au profit de la robustesse pour guider l’action ».
Take away
Les entreprises ne peuvent plus se contenter de limiter leur impact négatif sur les écosystèmes, elles doivent s’engager dans une démarche régénérative.
Une dynamique régénérative consiste à réduire les impacts négatifs aux seuls incompressibles, mais aussi à générer des impacts positifs sur les écosystèmes et la société.
Repenser les modèles économiques dans une visée régénérative implique de contrebalancer la logique de performance au profit de la robustesse.