Gilles Babinet - La technologie peut-elle sauver le monde ? - USI 2023

le 01/07/2023 par blog-usi
Tags: Innovation & Technologie

Le serial entrepreneur et habitué de la scène de l’USI nous propose un regard salvateur dans le rétroviseur. En défrichant les débuts d’Internet pour comprendre les enjeux écologiques d’aujourd’hui, Gilles Babinet décrypte la contre-culture numérique pour mieux comprendre la contre-culture environnementale actuelle.

L’avènement d’une nouvelle ère ?

Quand on essaie de comprendre comment nos modes de gouvernance sont structurés, on découvre rapidement que la technologie y occupe une place proéminente. Si les États sont si puissants, c’est notamment parce qu’il y a plusieurs siècles, il s’agissait alors des seules entités capables de posséder des canons. Cette dynamique dure depuis maintenant 400 ans. En effet, ce qu’on appelle « le système westphalien » existe depuis les traités de 1648, qui ont marqué la naissance de l’Europe politique moderne, désignant des relations égalitaires entre États et donc un système décentralisé. Pourtant, l’émergence au XXIe siècle d’entreprises plus puissantes que certains États a entraîné ce que certains appellent « la fin de la parenthèse westphalienne », avec la position désormais occupée par les GAFA. Dès lors, peut-on définitivement acter l’avènement d’une nouvelle ère ?

Gilles Babinet USI 2023Selon la Loi de Moore, la puissance de calcul d’un microprocesseur double tous les 18 mois. Elle est donc exponentielle, ce qui entraîne une chute inexorable du prix des calculateurs, puis des ordinateurs, et enfin des smartphones. Cependant, des voix s’élèvent ici et là pour nous expliquer la fin probable de cette loi qui a structuré notre façon d’appréhender l’IT depuis 50 ans. D’autres, au contraire, prévoient une nouvelle accélération. Difficile de savoir où nous allons, et plus difficile encore de comprendre la nature même de la technologie. Pour ce faire, Gilles Babinet nous propose un voyage dans le temps, aux prémices de l’Internet et de l’informatique moderne.

Des “mainframes” au cloud : de la dystopie à… la dystopie ?

1970 : l’informatique est synonyme de “mainframes*”, ces macro-ordinateurs valant plusieurs millions de dollars et occupant une pièce entière. Grassement subventionnés par le ministère de la Défense américain, ces “mainframes”* posent les bases de notre rapport à l’IT, et nous embarquent dans un monde centralisé, vertical. Il faudra attendre les années 80 pour que d’anciens hippies mettent un grand coup dans la fourmilière avec l’arrivée du micro-ordinateur -en opposition au macro-ordinateur-, puis du smartphone dans les années 2005-2010. L’idée était avant tout de décentraliser, libérer et proposer une utopie face à ce qui a souvent été considérée comme une dystopie. Enfin, l’arrivée du cloud dans les années 2010 a permis aux GAFA de récupérer la plus grosse part du gâteau actuel avec des business globaux et extrêmement difficiles à concurrencer, si bien qu’aujourd’hui, nous sommes dans un monde où l’idéologie principale est celle d’une hégémonie – avec, comme ouvrage de référence “The World is Flat*”* de Thomas Friedman. Si séduisante soit-elle pour certains, cette théorie est néanmoins considérée (à nouveau) comme une dystopie par ceux qui prêchent pour un Internet libre.

Une autre voie est-elle possible ?

Le Web3 est-il le caillou dans la chaussure de cette hégémonie ? La blockchain est-elle l’outil nécessaire pour revenir à l’utopie initiale qu’était Internet à ses débuts ? Il est difficile de se positionner en opposition aux leaders idéologiques de l’Internet moderne que sont Peter Thiel et Elon Musk, entre autres, selon lesquels les États sont subordonnés à la tech. Cependant, les langues se délient et les opinions commencent à évoluer. Sam Altman par exemple, le patron d’OpenAI qui est à l’origine de ChatGPT, fait partie de ceux qui prônent une régulation plus forte. Cependant, on voit bien qu’il y a un problème d’échelle : l’AI Act - la proposition de règlement européen déposée par la Commission européenne pour légiférer sur l’Intelligence Artificielle- ne fonctionne pas à l’échelle globale, s’il n’est respecté que dans certains pays.

Gilles Babinet USI 2023

Et si la technologie était la voie la plus plausible pour nous amener dans un monde plus écologique ? Selon Gilles Babinet, il faut faire la conversion vers le sustainable grâce à la technologie et à l’utopie de liberté qu’elle porte à nouveau ces dernières années. Pour rejoindre l’agenda de l’Accord de Paris, il y aurait, selon lui, 2 chemins possibles : celui de la décroissance, qui impliquerait qu’il faille diviser nos activités par 5, pour diviser nos émissions de gaz à effet de serre par 5 également. Sans technologie, le changement de nos modes de vie serait irrémédiable, alors qu’avec la technologie, nous devrions pouvoir résoudre de nombreux problèmes sans forcément tout bousculer. Bien sûr, il y a des choses à revoir : des voitures qu’on utilise pas ou peu, des maisons de campagne occupées 2 semaines par an… Il faut donc opérer un shift anthropologique. Il faut que la tech nous aide à décarboner et il faut le faire dans un laps de temps court, en 10-15 ans. Gilles Babinet le clame haut et fort : il faut trouver le point de jonction pile entre les techno-solutionnistes et les décroissants. C’est là que se trouve, selon lui, la solution pour les années à venir !

TAKE AWAY

  • La technologie a influencé nos façons de nous organiser. Elle nous a notamment désocialisés et rendus plus individualistes. Elle a également permis à l’Occident d’imposer l’idéologie d’un monde globalisé et surpuissant.

  • L’histoire de la technologie des années 70 à nos jours est faite de périodes successives de dystopies et d’utopies. Des mainframes jusqu’à la blockchain en passant par le smartphone, les outils que nous utilisons portent une idéologie en eux.

  • La technologie est la seule voie possible pour nous permettre de ne pas renoncer complètement à nos modes de vie et de décarboner.