Brian Robertson - Holacratie : une nouvelle organisation du pouvoir
Conférencier à l’USI 2017, Brian Robertson partages les principes de l’holacratie, et l’histoire derrière la création de ce nouveau principe d’organisation révolutionnaire. En effet, si le modèle traditionnel de la hiérarchie a prouvé son efficacité pour faire croître une entreprise, il a également contribué à faire émerger des environnements de travail plus complexes, nécessitant une plus grande liberté.
Brian Robertson a commencé sa carrière en entreprise, mais il ne s’y est jamais senti à sa place. Alors même qu’il était employé dans l’entreprise élue “meilleure entreprise où travailler aux Etats Unis”, il n’arrêtait pas de rencontrer des obstacles (excès de bureaucratie, jeux de pouvoir). Une bonne culture d’entreprise, un salaire intéressant et des collègues exceptionnels ne suffisaient pas : le problème venait du système. Son expérience professionnelle a laissé Brian avec le sentiment “qu’il [devait] y avoir une autre manière de faire”. Et l’a convaincu de créer sa propre entreprise, Ternary Software, comme laboratoire pour inventer une nouvelle manière d’organiser le travail.
Le paradoxe des organisations hiérarchiques
La plupart des entreprises font appel à une hiérarchie managériale pour diviser le pouvoir. Dans ce type d’organisations, chaque personne souhaitant proposer un changement ou commencer un nouveau projet se voit dans l’obligation de convaincre son responsable et les différentes parties prenantes afin d’obtenir un feu vert. Mais les managers ne partagent pas toujours la même vision que leurs collaborateurs – et n’ont pas toujours raison.
Brian Robertson en est convaincu, c’est ce qui empêche les entreprises d’innover et d’évoluer positivement. “J’ai souvent eu le sentiment que je ne pouvais pas utiliser mes talents, que j’étais constamment bloqué. Il y avait trop d’obstacles au changement, ce qui avait tendance à tuer dans l’oeuf toute initiative. À Ternary Software, je voulais trouver un moyen de laisser la liberté à chacun de proposer des changements.”
Les entreprises ont besoin d’une structure afin de garantir l’alignement et le sentiment de responsabilité de ses employés. Mais cette structure doit-elle venir d’une hiérarchie managériale, ou peut-on envisager une autre manière ? En effet, pour Brian, “le système de hiérarchie managériale a été une telle réussite au cours du dernier siècle qu’il a créé des nouveaux niveaux de complexité et de challenges que nous ne pouvons plus gérer dans une hiérarchie managériale.”
Un nouveau paradigme : ordonner sans diriger
En dehors du monde du travail, il existe de nombreux exemples de systèmes organisés autrement que sous la forme d’une hiérarchie managériale. Les villes par exemple sont des systèmes auto-organisés : personne ne manage l’organisation globale des villes, pourtant celles-ci trouvent bien un moyen de s’organiser. Imaginez l’ensemble des tâches nécessaires pour qu’une personne se rende dans un restaurant et commande une salade : du fermier qui a fait pousser les avocats au Pérou au cueilleur qui les a récoltés, à l’entreprise de fret et au transporteur qui les ont livrés au supermarché, au cuisinier qui les a achetés et préparés, sans parler de l’électricité dépensée ou de des transports publics utilisés pour se rendre au restaurant.
Un acte aussi simple qu’aller au restaurant nécessite une coopération à grande échelle, qui intervient de manière naturelle, sans la supervision d’un département de la supply chain. Si tout devait être organisé de manière top-down, comme dans une entreprise, cela nécessiterait des mois de planning. Mais heureusement pour nous, les villes fonctionnent différemment : ce sont des systèmes auto-gérés.
Dans des systèmes auto-gérés, les différents acteurs ont leur propre indépendance et autonomie, ils utilisent leur jugement pour collaborer au sein d’un cadre de lois et de règles. Et les économies fonctionnent mieux ainsi que dans un ordre contrôlé par le “sommet”. Mais pour que de tels systèmes auto-gérés fonctionnent, ils ont besoin d’un cadre, et de beaucoup de liberté pour s’adapter localement au sein de ce cadre, grâce à un système de contrôle par les pairs, comme dans une ville ou dans le corps humain.
Les règles d’une véritable responsabilisation et autonomisation
Donner aux employés l’autonomie et la liberté pour s’organiser et s’adapter localement à leur environnement ne veut pas dire supprimer toute structure et tout cadre. Au contraire, ils ont besoin de règles claires et transparentes pour pouvoir exercer leur responsabilité – mais des règles légères, agiles et flexibles, pour leur permettre de changer et de s’adapter aux circonstances. “Si vous ne savez pas ce que vous ne pouvez pas faire, vous ne savez pas non plus ce que vous avez la liberté de faire.”
L’holacratie est un système orienté objectif, qui divise le travail en rôles. Chaque individu est en charge de plusieurs rôles dans différentes équipes de l’entreprise. Par exemple, un des rôles de Brian est d’être le porte-parole de l’holacratie. Chaque rôle comporte un objectif, inclus dans l’objectif plus large de l’équipe, qui lui-même participe aux objectifs de l’entreprise. Les rôles impliquent également des responsabilités, ce qui permet aux autres personnes de l’équipe de savoir à quoi ils peuvent s’attendre du responsable du rôle. Et “pour remplir son rôle, une personne a toute autorité pour prendre la moindre décision ou réaliser la moindre action tant qu’il n’existe pas de règle explicite qui l’interdise.”
Ce modèle innovant rend les organisations plus vivantes et organiques : les rôles et les responsabilités sont décidés en réunion d’équipe de manière itérée. Au lieu de laisser les managers décider pour l’ensemble de l’entreprise, ces réunions partagent la charge du management.
L’holacratie ne résout pas tous les problèmes. Mais elle fournit une structure pour laisser le système lui-même trouver les solutions. Et ca marche : aujourd’hui, près de 1 000 entreprises dans le monde entier utilisent ce modèle d’organisation radicalement innovant.