How Designers Destroyed the World ou la responsabilité du designer UX, par Mike Monteiro
Synthèse de la conférence de Mike Monteiro, Design Director de Mule, « How Designers Destroyed The World », à l'USI 2015.
Le designer apporte des choses au monde qui n’existaient pas la veille. Le designer en est responsable et cela peut-être une chose formidable, à condition de faire des choix et de se poser la question : « qu’est-ce que je veux créer et ne pas créer ? ». Mike Monteiro, directeur du design chez Mule en fait un plaidoyer : « pensez à votre propre intérêt [de designer] car personne ne le fera à votre place ».
La responsabilité du travail des designers envers le monde peut s’illustrer parle désastre familial provoqué par une interface complexe de configuration des paramètres de confidentialité chez Facebook qui a provoqué un outing forcé pour une utilisatrice du réseau social, Bobbi Duncan, via un groupe dont les paramètres ont été privilégiés plutôt que ceux qu’elles avait choisi personnellement. Cette décision de designer a bouleversé la vie de cette jeune fille.
« La création sans responsabilité entraîne la destruction »
Pour Mike Monteiro, il n’est pas question de s’amender en mettant en cause une décision qui serait directement imputable à l’aspect business. Une interface est le produit d’une série de décisions prises par le designer et celui-ci est trop souvent peu conscient du problème.
Face à un problème éthique, quand le designer a remarqué le problème, soit il fait semblant de ne rien voir - dans une culture d’entreprise où, peut-être, les designers n’ont pas le droit de donner leur avis -, soit ils en parlent au supérieur hiérarchique qui choisit ou non d’en tenir compte. « Avec des millions d’utilisateurs, un design peut briser des vies et ce sont des choses qui arrivent sans mauvaise intention, elles arrivent même sans aucune intention » souligne Mike Monteiro.
La culture du design n’intègre pas assez la responsabilité et pourtant le design n’est pas seulement une affaire d’aspect visuel : c’est aussi une affaire d’impact sur l’individu. « Quand le designer ne pense pas aux effets de ses manipulations et explications des environnements c’est de la destruction, pas de la création », regrette-t-il.
Penser aux conséquences…
Si beaucoup d’acteurs de la Silicon Valley mettent des projets en route avant de penser aux conséquences, Mike Monteiro demande aux designers d’avoir « peur des conséquences de leur travail bien plus qu’ils n’aiment l’intelligence de leurs propres idées ».
Le designer austro-américain Victor Papanek avait en horreur le mauvais design et invoquait la responsabilité éthique de créer des choses qui auraient un impact bénéfique sur le monde. Dans son ouvrage Design For The Real World (1971), il qualifiait les designers de « gardiens » et dénonçait déjà un design perdu à cause d’un consumérisme débridé. Il est indispensable, non seulement de savoir ce qui peut être fait mais aussi ce qui devrait l’être. Internet est partout, de nos téléphones aux feux de circulation et ce qui est sur le web passe par les designers, et ces « monstres lancés par les designers porteront leurs noms », insiste Mike Monteiro.
… et savoir dire non !
Cette prise de conscience implique plusieurs responsabilités fondamentales. D’abord celle de résoudre des problèmes pour un monde meilleur et pas seulement pour les actionnaires. « Enrichir les riches c’est faire comme on a toujours fait, moins on s’attaque aux vrais problèmes des vrais gens et plus on s’éloigne de notre travail » proclame Mike Monteiro.
Une autre responsabilité à assumer est envers le client : instaurer un climat de confiance qui profitera aux autres membres de la profession mais aussi faire le choix de ceux qui ont des problèmes à résoudre et surtout savoir leur dire non, sans chercher à contenter la hiérarchie à tout prix.
« Vous n’êtes pas supérieur au problème que vous résolvez : l’égo n’est que la peur qui empêche d’avoir les bonnes solutions » plaide Mike Monteiro. La responsabilité morale passe aussi par la « destruction de la misogynie, [il faut] aider ceux qu’on a écrasé ». Car se battre pour un bon design, c’est aussi se battre pour un web plus accessible et plus ouvert. Dans son rôle de gardien, Mike Monteiro rappelle que le rôle des designers est de « protéger notre planète, surtout quand il s’agit de la protéger de nous-mêmes. »