Interview Peggy Louppe, SNCF : “Plus qu’une conférence, aller à l’USI c’est s’ouvrir sur le digital, la société et l’humain”

le 22/03/2016 par blog-usi
Tags: Actualité

Tour d’horizon de la transformation digitale de SNCF, nouveau partenaire du Club USI

Cette année, SNCF rejoint le Club USI et devient la 16e entreprise membre pour la co-construction de l’évènement USI 2016. Une belle occasion pour nous d’interviewer Peggy Louppe qui a récemment pris les fonctions de directrice de la Transformation digitale interne de la SNCF. Elle répond à nos questions sur ses responsabilités et le changement par le plan #DigitalSNCF...

photo de Peggy Louppe, directrice de la transformation digitale interne SNCF

Pour quelle(s) raison(s) SNCF a-t-elle choisi d'être partenaire de l'USI ? Pourquoi cette conférence plus qu'une autre en France ?

Il nous semblait important de participer à une conférence qui pouvait offrir un angle de vue très large. USI est, pour nous, la conférence en France qui traite à la fois des sujets très technologiques mais qui sait aussi oublier « l’outil » pour se concentrer sur la dimension culturelle, le management et l’humain dans le digital. C’est bien la combinaison de ces sujets qui permet de réussir ce que l’on appelle une « transformation digitale ».

C'est quoi le quotidien de la directrice de la transformation Interne de SNCF ?

(rires)

La question est large et je pourrais y répondre de plusieurs manières différentes. Ce qui me vient à l’esprit là, c’est surtout le fait de travailler avec des métiers, des entités managériales, des régions, des CODIRS  nationaux, des établissements qui sont tous des acteurs différents avec des ambitions variées.

Leurs intentions et projets menés au niveau local sont à soutenir, à accompagner, mais aussi à coordonner pour garantir la cohérence SNCF du point de vue de l’utilisateur. Une action côté région peut venir compléter une initiative nationale, mais elle peut aussi la concurrencer. Ce paradoxe peut être difficile à comprendre pour l’utilisateur, qu’il soit un collaborateur ou un client SNCF, parce qu’il est confronté à tous les outils à la fois. On parle souvent de « remettre le client au centre », c’est un réflexe de le faire. Mon travail au quotidien s’inscrit dans la même  dynamique, mais en interne : remettre le collaborateur au centre, pour qu’à son tour il offre le meilleur service aux clients.

Et pour réussir à mettre le collaborateur au centre, il faut travailler à tous les niveaux, avec tous les acteurs, en faisant bouger les outils, les organisations et les processus de décisions, les postures individuelles, les fonctionnements collectifs.

Transformer SNCF sur le plan digital c’est quoi ?

D’abord, c’est continuer ce que SNCF fait depuis 15 ans déjà dans le numérique, pour les clients. Pour aller au-delà, il y a un peu plus d’un an, SNCF a annoncé avec Yves Tyrode son Programme Digital (voir communiqué de presse) appelé #DigitalSNCF, qui a pour but d’accélérer la transformation, à la fois vers les clients et de façon plus nouvelle vers les collaborateurs : en 2015, au travers de la mise en place de fondamentaux : open innovation, ecosytème startup, haut débit pour les clients et les salariés, projets d’équipement en mobile des collaborateurs de terrain, mais aussi montée en puissance sur les expertises digitales, création d’une communauté et d’une académie digitale, réseau social d’entreprise... Avec ce programme, nous considérons clairement que le digital est au service de la performance pour les clients et de l’engagement des collaborateurs. C’est un levier innovant et puissant de transformation dans ce sens.

Après cette phase des fondamentaux du digital en 2015, notre enjeu en 2016 est d’élargir la base des initiatives porteuses de valeur, de démocratiser l’usage d’outils digitaux simples et efficaces, pour les managers au service de leurs projets de performance, et pour tous les utilisateurs (managers ou collaborateurs), pour la simplification de leur vie au travail. Nous visons des impacts à la fois sur la performance des process métiers, qu’ils soient commerciaux ou industriels, et sur la coordination et la coopération inter-métiers par exemple, sur l’expérience collaborateur.. En interne, notre travail sera de faire en sorte que les collaborateurs comprennent très concrètement en quoi le digital peut leur changer la vie.

"Mesurer la satisfaction de nos clients et de nos salariés" #DigitalSNCF @YvesTyrode pic.twitter.com/UsfBWZdT80

— SNCF Newsroom (@SNCF_infopresse) 10 février 2015

Le plus gros challenge en 2016 pour SNCF ?

Réussir tout ce que j’ai dit auparavant… mais en même temps. Tout ce que nous entreprenons au sein de SNCF est tout de suite confronté à une notion de volume et de multiplicité des métiers qui est très importante, et peut paraître impressionnante. C’est pour des dizaines de milliers de personnes qu’il faut réfléchir cette transformation digitale. À titre d’exemple, un projet qui ne concerne que les conducteurs rassemble en fait 15 000 collaborateurs, pour la maintenance c’est 20 000 personnes, le réseau social d’entreprise c’est plus de150 000 en cible… Suivant le maillage que l’on prendra, on peut considérer que SNCF est constituée de 20 groupes de métiers distincts ou alors 150 métiers distincts.

Pour chaque projet, il faut tenter de reconnaître rapidement la granularité nécessaire pour réussir. De manière générale, nous parions sur les réussites à échelle plus réduite, avec un métier, ou même un établissement dans un métier, et sur une logique d’amplification à partir de ces réussites. Ce qui veut dire que la méthode que nous utilisons doit être reproductible à grande échelle. C’est le fameux « Think big, start small, scale fast ».  Pour le réseau social d’entreprise (RSE) par exemple, on a préféré démarrer avec des groupes restreints, ayant un objectif très clair à se servir du RSE, et cela nous réussit plutôt bien, avec une croissance virale importante et en même temps un excellent taux d’engagement, et des usages qui apportent clairement de la performance et de la simplification.

Impressionnant oui… Mais alors comment faites-vous concrètement pour mener cette transformation en interne? Quelle est votre recette ?

Plus qu’une recette, ce sont des principes simples que j’applique. Le premier sera pour moi  “la politique du petit pas”, comme je viens de l’illustrer**.** C’est-à-dire prendre les choses ou les projets par périmètre plus restreint (perimètre projet, géographique ou managérial). Cela a pour vertu de nous permettre d’adresser les choses à une taille plus humaine. De consolider un « petit » périmètre (de quelques centaines à quelques milliers de personnes) qui sera un atout majeur sur lequel s’appuyer quand on devra déployer plus largement.

L’autre versant de la réussite est “la preuve” : si, sur un périmètre restreint, nous sommes en réussite, le dialogue de pair à pair sera automatique. C’est plus impactant quand le succès est raconté par les collaborateurs ou par le manager qui témoignera de ce que ses équipes ont gagné en performance et simplification. De manière générale, dans notre communication nous avons toujours une posture d’amplification d’usages, et non de déploiement d’outil.  Donc, quand le succès devient naturellement viral, on sait qu’on a gagné.

Et puis autre chose : nous sommes convaincus que réussir la transformation digitale, cela passe par trois leviers : améliorer les compétences individuelles, améliorer les outils, mais aussi, et on l’oublie souvent, faire évoluer la culture collective et managériale, les postures… Comme celle du collaborateur au centre, pour un meilleur service au client, par exemple. C’est en combinant ces trois leviers et en les actionnant en lien direct avec des objectifs opérationnels, proches des préoccupations du terrain, que l’on met vraiment en mouvement une organisation.

Et finalement, la recette c’est peut-être qu’il n’y a pas de recette… C’est expliciter une vision claire, un cadre clair, et savoir sur cette base écouter les besoins, pour mettre au point un accompagnement de la transformation qui s’appuie sur les envies, plutôt qu’une conduite du changement appliquée et poussée d’en haut.  C’est une posture de coaching plutôt que de conseil.

//fr.slideshare.net/slideshow/embed_code/key/Hk0qfYMoUZRvvO

Présentation #DigitalSNCF from DigitalSNCF

Sncf & digital, on semble casser tous les clichés non ?

(rires)

En effet… Mais vous savez, j’ai passé plusieurs années sur le « terrain SNCF », je travaille depuis 10 ans dans cette grande entreprise, et je peux vous dire que globalement nous avons des agents & collaborateurs très technophiles, avec une forte envie d’innover et de tester, contrairement à beaucoup de clichés justement. C’est un terreau très favorable...

Comment SNCF se prépare-t-elle en interne comme en externe à l’ubérisation de son secteur ?

Comme tout le monde, nous regardons cela de près. Nous mesurons énormément et régulièrement le rapport au digital de nos collaborateurs. On veut comprendre comment ça se jouera, on travaille avec les DRH de chaque branche pour que chaque secteur se mette en capacité à analyser les impacts du digital sur les métiers. Aujourd’hui, nos actions se concentrent sur l’amélioration des modèles existants. Mais nous savons aussi que le plan #SNCFDigital devra travailler les modèles en rupture. Et c’est dans cette perspective que nous organisons diverses actions pour nos managers : learning expédition, conférences internes, création des maisons du digital, les « 574 », nos accélérateurs internes. Et USI fait évidemment partie de ces actions pour stimuler cette inspiration.

Belle transition, merci… D’ailleurs, quel est le talk USI qui vous a le plus inspirée ?

Ce qui me vient tout de suite à l’esprit c’est Philippe Gabilliet, Michel Serres, Edgar Morin ou encore Kathryn Schultz. Plus qu’une conférence en elle-même, aller à l’USI c’est s’ouvrir sur le digital et la société, sur l’humain, avec des angles de vues variés et allant au-delà des outils.

Lien Youtube

Quel speaker aimeriez-vous voir venir à l'USI cette année ? Quelle thématique ne surtout pas rater et qui sont au coeur de vos activités ?

Marc Halevy, sans aucun doute. C’est un physicien et philosophe prospectiviste qui explique comment l’histoire « récente » est constituée de phases de 500 ans environ, entrecoupées de crises majeures lors des passages à la nouvelle phase. Selon lui, nous en commençons une dans la période actuelle, qui se fonde entre autres sur l’économie de l’information, et il sait éclairer grâce à ces éléments de nombreux phénomènes actuels. C’est passionnant ! Comme tout ce qui donne du sens aux transformations et aux remous que nous vivons aujourd’hui…

A lire :