Interview : la conférence USI vue par son fondateur François Hisquin
Dans les secrets d’une conférence digitale internationale...
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer cette conférence ?
J’avais assisté à une conférence d’envergure en novembre 2007, à laquelle je m’étais royalement ennuyé ! Et je ne semblais pas être le seul dans la salle : tout le monde regardait ses mails ou son téléphone… Je me suis demandé : mais quel intérêt ? Pourquoi les gens reviennent si ça ne les intéresse pas ? J’en suis revenu dépité…
J’ai alors pensé à une conférence dans laquelle les gens ne s’ennuient pas, tout simplement. Je suis rentré chez OCTO Technology et j’ai lancé l’idée.
Mon constat était aussi qu’il existait des conférences pour les “geeks” et d’autres pour les “boss”. Dommage de ne pas allier les deux ! J’ai donc voulu créer un évènement où geeks et boss seraient enfin réunis. En 10 ans, l’évènement a bien évolué, on ne parle plus de geeks et de boss, mais bien de tous ceux qui prennent part à la transformation numérique de leur entreprise (digital, marketing, ressources humaines, innovation, IT…).
En quoi la conférence USI se différencie-t-elle des autres conférences du même genre ?
La différence, c’est le contenu. Beaucoup de séminaire****s mettent l’accent sur la rencontre, le réseau, au détriment parfois du contenu des conférences… Alors que pour nous, c’est le plus important.
À l’USI, personne ne traîne dans les couloirs pendant les talks. Au-delà du prestige, les speakers portent un savoir que l’on ne veut pas rater. Après deux jours d’évènement, j’ai un peu la tête qui tourne face à cette intensité intellectuelle rare.
Nous sommes aussi moins formatés que TED par exemple, et plus précis dans notre univers - même si nous n’avons pas de thème arrêté chaque année. Cela peut surprendre de ne pas mettre les choses dans une case, mais la richesse d’USI est dans la diversité.
Justement, pourquoi avoir ouvert la sélection à ce point ? Le sujet principal reste la transformation digitale. Pourtant, USI propose une sélection de speakers très diversifiée : professeurs, philosophes, mathématiciens, astronautes, musiciens, etc.
J’ai eu une discussion avec quelqu’un récemment, qui m’a dit cette phrase : “Le bon critère pour savoir si une conférence est réussie, c’est de se demander pendant combien de temps on s’en souvient !”.
Effectivement, combien de temps je vais me rappeler avoir vu Neil Armstrong… Toute ma vie !
Nous voulons provoquer une émotion qui reste, que ce soit sur des sujets IT, de management, d’innovation, etc. Et tous sont, selon moi, intimement liés.
Pourquoi tout organiser en interne (programme, communication, direction artistique, etc.) ? C’était une vraie volonté de vouloir tout chapeauter d’ici ?
Nous externalisons certaines choses, comme l’aspect technique, car nous n’avons pas les compétences nécessaires.
Cela dit, c’est vrai que chez OCTO, et donc pour USI, nous aimons nous considérer comme des artisans. “Faire” est capital. Et puis, l’évènement est trop important pour nous pour le confier à quelqu’un d’autre. Sans oublier que nous avons une équipe qui dépote, et qui a vraiment à coeur de créer un évènement marquant pour les participants ! Que demander de plus ?
Comment est établi le programme ?
Il n’y a pas de règle, ni de stock. Certains speakers ne peuvent pas une année, nous les recontactons l’année suivante… J’établis une sélection de personnes que j’aimerais vraiment faire venir. Les Octos (ndlr : les salariés d’OCTO Technology) proposent également des noms que nous étudions avec soin. Les membres du Club USI font aussi des suggestions, plus proches en général de leurs enjeux quotidiens. Nous essayons de respecter un certain équilibre entre les différentes sujets de prédilection des speakers : un peu de technologie, de méthode, de prospective, d’UX, de management, d’IT… Pour trouver l’inspiration sur différents terrains.
Comment fait-on venir Neil Armstrong ?
J’en parle dans le livre collaboratif d’OCTO Partageons ce qui nous départage…
C’était au tout début d’USI : nous faisions une réunion pour savoir qui nous aimerions faire venir. Mon tour arrive et j’avoue : “il y a un mec pour qui je me déplacerais à l’autre bout du monde pour assister à l’une de ses conférences : c’est Neil Armstrong”.
Évidemment, j’ai été un peu la risée pendant deux minutes ! Comme on dit chez OCTO, “you say it, you own it”... Du coup, c’était à moi de me débrouiller pour le faire venir ! J’ai récupéré des contacts, des numéros d’agents… Et puis, j’ai eu une opportunité : on m’a demandé d’écrire un mail expliquant l’objet de la conférence USI (c’était la 1e édition), pourquoi nous voulions Neil Armstrong, le but de la démarche, etc.
Petite pression devant mon clavier ! J’y ai mis tout mon coeur, en anglais ! Et ça a marché… Je crois que le fait d’avoir pensé à lui pour le lancement lui a plu, tout comme la nature du projet. Son nom a apporté immédiatement une certaine dimension à l’évènement, dès la première édition et les années suivantes. Il devenait ensuite implicite de faire chaque année mieux que l'année précédente... C'est notre challenge quotidien.
Énorme émotion quand j’ai rencontré Neil Armstrong avant la conférence !
Est-ce qu’USI cherche à débusquer de nouveaux talents ?
Ce n’est pas une obsession... Mais j’adorerais avoir la capacité à détecter le Mark Zuckerberg de demain ! Plus pragmatiquement, notre conférence doit aussi attirer les participants grâce aux noms de ses speakers, évidemment. Nous ne pouvons pas nous permettre de miser que sur des inconnus. Mais un diamant brut à la fois, pourquoi pas…
Certains de nos speakers ne sont d’ailleurs pas forcement de notoriété publique. Mais une fois qu’on les voit sur scène, on n’est pas près de les oublier : Philippe Gabilliet par exemple, qui a conquis la salle en 5 min l’an passé.
Qu’est-ce que vous préférez le jour J ?
Difficile de se détendre le Jour J. Lorsque la trentaine de speakers arrivent, je suis un peu leur point de repère, et je dois être disponible pour eux.
L’année dernière, le nouveau lieu (ndlr : au Carrousel du Louvre) ajoutait un poil de stress. Il faut dire que le prestige du lieu conférait une atmosphère toute particulière...
Ce que je préfère, c’est l’émulation ambiante, regarder les visages surpris, concentrés, émerveillés des participants...
Quels talks vous ont le plus marqué ?
La première session de Michel Serres était brillantissime…
C’était osé, dans une conférence IT en 2008, de proposer une session de philosophe. La surprise de l’audience a participé à ce bon souvenir.
J’ai adoré le talk de Chris Anderson en 2015. Un show très bien mené, à l’américaine et intelligent.
J’ai aussi ri aux larmes avec une session de Fabrice Luchini.
Bref, ce ne sont pas les bons souvenirs qui manquent.
La session la plus compliquée… ?
Je me souviens de Philippe Starck qui, une semaine avant la conférence, m’appelle et me dit : “Mais au fait, je viens quand ?”. Je lui rappelle l’échéance - qui se rapproche dangereusement ! Et il me répond : “Ah, mais je ne peux pas je serais en Chine !”
Panique à bord !
Il était prévu le premier jour, et nous avons pu nous arranger pour qu’il vienne le deuxième : keynotes inversées, programmes réimprimés, etc.
La plus belle rencontre ?
Le dîner avec Neil Armstrong ! Un rêve de gamin qui se réalise...
Comment voyez-vous USI dans 5 ans ?
Question simple et compliquée à la fois ! Je n’ai pas de grosse idée de rupture. Nous grandissons évidemment. L’évolution se situera à mon sens dans l’ampleur de l’évènement, et nous garderons une continuité dans l’esprit insufflé.
En réalité, si j’avais une idée précise de la façon dont je voyais USI dans 5 ans, je le ferais tout de suite !