Smart City : de la « ville numérique » à la « ville vivante »
Synthèse du talk de Carlos Moreno à la conférence USI 2015
Dans un monde fortement urbanisé, les villes constituent un enjeu majeur. Et, pour parler de la ville, il est possible de prendre comme point de départ les avancées technologiques dans le digital, l’hyper-connectivité, la géolocalisation, la miniaturisation ou encore dans les objets connectés.
« La technologie est un moyen, le service est un but »
Mais pour parler de la relation entre l’individu et son territoire la question centrale est la suivante : quel type d’hyper-connectivité et pour quoi faire ? Parce qu’il est possible d’être hyper-connecté tout en étant asocial. Ce sont les individus que Carlos Moreno qualifie de « zombies-geek ». Dans un monde global, hyper-connecté, fortement urbanisé cette hyper-connectivité traverse tous les espace, tous les continents, tous les territoires. Mais ce qui compte véritablement au fond c’est de savoir à quoi ça sert. Ce qui conduit à l’élément fondamental : le service.
La ville : un lieu de vie et de partage
La ville est un organisme vivant complexe. Et, comme tout système vivant, elle doit satisfaire ses besoins pour croître et elle est soumise à des aléas qui la fragilisent. Aujourd’hui c’est ce que nous appelons la vulnérabilité (les incendies, les tempêtes, les épidémies, les pannes, etc.). Ce que nous cherchons dans les villes, c’est que la qualité de vie soit au rendez-vous. Mais la ville est aussi très fragile. La ville peut être vue comme d’un lieu de vie et de partage.
Mais aujourd’hui, nous assistons à une distanciation entre l’Homme et le territoire. Le défi de l’Homme au XXIe siècle est de retrouver ce lien avec le territoire. Ce lien est unique, il n’est pas dual, il n’est pas possible de séparer l’Homme et le territoire. Le véritable enjeu, ce sont les interdépendances.
La concentration, une menace sur notre civilisation ?
Comment, dans un contexte social, économique, culturel et technologique les relations entre l’Homme et le territoire changent ? Actuellement la démographie est plus importante en Asie et en Afrique que dans le reste du monde et son niveau continue de croître. Ce qui entraîne une concentration humaine dans les villes mettant en quelque sorte notre civilisation en danger. Ainsi, en raison de cette activité humaine, les taux de CO~<strong>2</strong> ~ par exemple, ont dépassé les 400ppm, un niveau très préoccupant. Ces phénomènes peuvent donc avoir des conséquences dramatiques si nous ne faisons rien pour empêcher ces changements systémiques.
Le XXIe siècle, siècle des villes
La population mondiale vit majoritairement dans les villes. 10 % de la population vit dans seulement 35 villes à travers le monde. En 2030, 750 grandes métropoles représenteront à elles seules 60 % du PIB mondial. Nous assistons à la naissance de villes globales, de villes-mondes. Et bien souvent ces villes mondiales entretiennent davantage de relations entre elles qu’à l’intérieur de leurs propres États. Par exemple les relations sont aujourd’hui plus intenses entre San Francisco et Tel Aviv qu’entre San Francisco et Boston.
Il y a à la fois une urbanisation croissante et une agrégation des compétitions très forte au niveau de l’attractivité économique. Ces phénomènes vont s’accélérer dans les années à venir. Des villes vont obtenir une puissance économique, démographique et urbaine supérieure à ce que nous connaissons aujourd’hui dans des continents émergents comme l’Afrique, avec tout ce que cela implique en termes de qualité de vie. Parce que, ce que nous recherchons dans les villes en priorité et par tous les moyens, c’est la qualité de vie.
La fragilité de la ville
L’urbanisation croissante a conduit à des modes culturels émergeants et changeants. Des classes moyennes, par exemple en Asie, ont désormais une capacité d’achat qu’elles n’avaient pas auparavant. Ces dernières veulent vivre comme en Occident, mais cela ne correspond pas à leurs valeurs. Elles cherchent à refléter le mode de vie d’une autre société. Un phénomène que Carlos Moreno a théorisé sous le nom de « miroir flou ».
Aujourd’hui la relation de l’Homme avec son habitat est systémique et les enjeux sont majeurs. Par exemple, les nouveaux comportements des citoyens urbains en Inde ont conduit il y a un an à une coupure d’électricité d’une semaine qui a touché 600 millions de personnes, soit l’équivalent de la population européenne, en raison d’un réseau sous-dimensionné pour ces nouveaux usages. Les exemples sont nombreux et les nouveaux risques se multiplient avec notamment de nouvelles maladies urbaines auxquelles les habitants ne sont pas habituées à être en contact.
Cet effet systémique que nous avons à gérer dans le monde entier est extrêmement important, d’autant qu’il se situe dans la chaîne complète (air, pollution...).
La lumière au bout du tunnel ?
Selon Carlos Moreno la réponse est oui, à condition que nous soyons capables de comprendre qu’il y a cinq enjeux majeurs à l’échelle de la ville. Ce sont les enjeux sociaux, culturels, économiques, écologique et les résiliences. Et, quelle que soit la ville, nous avons les infrastructures, les espaces publics et la politique pour que le citoyen puisse profiter du meilleur du monde technologique d’aujourd’hui qu’est l’ubiquité. Mais, pour que cette ubiquité puisse jouer un rôle clé, il est nécessaire de créer une identité socio-territoriale entre les citoyens et leur lieu de vie. C’est ce que l’on appelle la « ville vivante ».
Souvent, nous abordons seulement la révolution digitale mais au XXIe siècle, pour la première fois, quatre révolutions majeures sont en marche : l’informatique ubiquitaire, le bio-systémique, les nanotechnologies, et la robotique cognitive.
La ville vivante de demain combinera inclusion sociale, innovations technologiques et réinvention urbaine, pour que qualité de vie et vivre-ensemble soient au rendez-vous.
« Jusqu’à maintenant la technologie a hacké nos vies. Maintenant, à vous d’hacker la technologie. Si nous hackons les technologies, alors nous aurons des villes vivantes, nous serons en avance sur les nouvelles ruptures, sur les nouveaux paradigmes » conclut Carlos Moreno.
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