Virginie Guyot – Etre leader à la Patrouille de France
Pilote de chasse dans la Patrouille de France, Virginie Guyot est venue partager pour l’USI son expérience en tant que leader au sein d’une équipe guidée par l’excellence. Convaincue de l’analogie possible entre le monde de l’entreprise et celui de l’aéronautique et des enseignements à tirer en tant que manager, elle estime qu’au delà des compétences techniques nécessaires à la réussite d’un projet, « c’est avant tout le savoir-être qui fait la différence ». Car comme le résume très bien Antoine de Saint-Exupéry, « la grandeur d’un métier est peut-être, avant tout d’unir les Hommes ».
Les conditions de travail extrêmes que décrit Virginie Guyot ne laissent en effet pas la place au doute : « A raison de deux vols par jour, les pilotes évoluent à des distances de 2 à 3 mètres à des vitesses pouvant atteindre les 700km/h, à des pressions qui leur font subir jusqu’à 5 à 6 fois leur poids, au point qu’un pilote peut perdre près de 2 litres d’eau pour 30 minutes de vol ». Pour maintenir un niveau de sécurité élevé et atteindre l’objectif collectif fixé quelles que soient les conditions météorologiques ou techniques, un long travail sur les valeurs, le leadership et l’âme collective est mis en place, dont les entreprises et les managers pourraient s’inspirer pour atteindre un meilleur niveau de performance collective selon Virginie Guyot.
Cultiver une vision partagée au sein de l’équipe
Pour Virginie Guyot, le partage d’un même objectif et d’une même vision par toute l’équipe est le premier facteur clé de succès pour développer la performance collective et dépasser les problématiques uniquement personnelles : « il n’est pas toujours évident de comprendre pourquoi certains se lèvent tous les matins pour reprendre les mêmes vols et effectuer les mêmes figures, mais la patrouille est un emblème national et les 60 personnels mobilisés sont tous animés de cette envie de représenter l’excellence française et de faire le lien entre la nation et l’armée ». Constatant au quotidien à quel point la Patrouille est un motif de fierté pour les citoyens, Virginie Guyot y voit le fondement de l’engagement des membres de la Patrouille. Rappeler au quotidien ce qui a guidé leur engagement est crucial, « car c’est dans les moments de doute, que cela soit en entreprise ou à la patrouille, qu’il est important de s’assurer que les équipes ne perdent pas de vue l’objectif collectif que l’on s’est fixé. C’est notre carburant, c’est notre raison d’être ».
Promouvoir les qualités humaines et la bienveillance
Si les compétences techniques sont un prérequis indispensable, on oublie bien souvent combien les qualités humaines sont tout aussi centrales pour garantir la cohésion et donc le succès collectif d’un projet. Les 9 pilotes de la Patrouille de France étant renouvelés à raison d’un tiers chaque année, le véritable défi est de recréer à chaque fois un esprit d’équipe et d’assurer que chacun est à même de pouvoir remplacer le leader à un moment donné. La sélection des bons éléments au départ est donc cruciale car il ne suffit pas de trouver les meilleurs pilotes : « sur une vingtaine de candidats, il y en a toujours qui sortent du lot d’un point de vue professionnel mais ce ne sont bien souvent pas ceux que nous sélectionnons car ce qui fait la différence, ce sont les qualités humaines telles que l’intelligence émotionnelle, la capacité à se remettre en cause ou la volonté de jouer collectif. C’est un peu l’exemple d’Aimé Jacquet ne sélectionnant pas Eric Cantonna en 1996 : ‘tu es le meilleur de l’équipe mais l’équipe est meilleure sans toi’ ».
Parmi ces qualités humaines, la bienveillance est particulièrement utile pour entretenir cette âme collective et éviter les tensions inutiles. C’est une qualité qui n’est certes pas innée chez tout le monde, mais que l’on peut s’attacher à construire : en arrivant à la Patrouille, chaque pilote et chaque mécanicien est systématiquement placé en binôme avec un équipier pour que chacun se sente responsable de l’autre, et in fine de la patrouille entière.
"Si la bienveillance n'est pas une qualité innée pour tout le monde, il faut faire en sorte qu'elle le devienne"
Le leadership au cœur de l’excellence collective
Virginie Guyot est néanmoins convaincue que ce qui est au cœur de la performance d’une entreprise, d’un projet, ou de la Patrouille elle-même, est la place que l’on donne au leadership à tous les niveaux de hiérarchie : « A la Patrouille, l’empowerment est à la base du leadership car il permet d’assurer que chaque pilote, en tant que maillon essentiel de la réussite collective, se sente pleinement responsable de son rôle ». A la patrouille, le leadership s’exerce ainsi dans un objectif fédérateur via la participation de chacun. Le rôle du leader étant de favoriser la communication entre les membres pour « se dire les choses » et éviter les tensions inutiles, la culture du feedback est au cœur du travail de la Patrouille et chaque vol est systématiquement suivi d’un débriefing pour évaluer ce qui s’est mal passé et capitaliser sur les erreurs sans jugement de valeur. Deux questions sont alors posées : « Avons-nous atteint notre objectif ? Pourquoi ? ».
Le rôle du leader s’exerce aussi dans l’anticipation. Comme le rappelle Virginie Guyot, « on a coutume de dire à la Patrouille que 80% de la réussite d’un vol vient de la préparation ». Un vol ne pouvant pas laisser la place à l’imprévu, le leader doit à chaque fois réfléchir en amont avec ses équipes aux plans B et aux solutions de repli pour pouvoir décider rapidement en cas d’imprévu. Virginie Guyot se rappelle l’expérience vécue en tant que leader au moment du crash d’un des avions : alors qu’elle ne savait pas encore que le pilote était indemne, la seule manière de ne pas se laisser gagner par l’émotion a été de se concentrer sur les procédures définies en amont. La phase de préparation a alors pris toute sa dimension : imaginer le pire pour à chaque fois réussir le meilleur.