Yuval Harari - Comment les humains ont conquis le monde
Le succès d’Homo Sapiens
Difficile pour nous de concevoir qu’il y a de cela des milliers d’années, cohabitaient différentes espèces d’êtres humains. De nos jours, si certaines caractéristiques culturelles ou physiques persistent, nous ne rencontrons plus qu'une seule espèce d'hommes partout autour du monde : l'Homo Sapiens. Et il est devenu le maître incontesté de la planète.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il fut un temps où la présence de l’Homme n’impactait pas plus l’écosystème que celle des autres animaux. 13 millions d’années plus tard, nous sommes devenus l’espèce la plus puissante sur Terre… En apprenant à créer une vie organique, nous avons dépassé la tâche autrefois conférée à cette entité appelée Dieu. Mais en plus de créer, nous avons aussi détruit : en plusieurs milliers d’années d’existence, l’Homme a éliminé de nombreuses espèces. Un véritable nettoyage ethnique. En d’autres termes, il a remplacé la sélection naturelle par une sélection intelligemment organisée.
"We have transformed ourselves from insignificant animals to gods"
L’union fait la force
Notre condition privilégiée d’êtres humains nous en persuade : nous sommes supérieurs aux autres espèces animales. Mais, si nous sommes différents des primates, ce n’est pas tant sur un plan individuel, mais bel et bien au niveau collectif.
Certes, nous ne sommes pas les seuls animaux capables de coopérer de façon flexible pour atteindre un objectif commun : les chimpanzés aussi y arrivent, mais ils n'y arrivent pas en grand nombre, pas avec des inconnus. Ils ont besoin de connaître les autres singes pour coopérer avec eux.
D’un point de vue purement opérationnel, il y a d'autres animaux capables de coopérer entre eux en grand nombre : les abeilles y arrivent par exemple. Cependant, bien qu’organisées, elles sont incapables de réinventer les systèmes établis de coopération sociale. Contrairement à nous, elles sont incapables d'avoir cette flexibilité. Les abeilles fonctionnent selon des schémas immuables. Elles ne pourraient pas par exemple faire la révolution et décapiter la reine. Puis organiser un régime communiste !
"The reason we dominate? We are the only animal capable of cooperating in large numbers."
En revanche, l’Homme est capable de fusionner ces deux capacités : coopérer en très grand nombre (par milliers, voire par millions) et de façon flexible. Cette coopération a rendu possible l’accomplissement de nos plus grands succès (le voyage sur la Lune), mais aussi de nos plus grandes atrocités (les guerres, génocides…).
L’imagination : la clé de notre succès
« C’est l’imagination qui permet à l’Homo Sapiens de coopérer en si grand nombre. Tant que de nombreuses personnes croient à la même idée, ils peuvent coopérer ensemble ».
Les autres animaux utilisent aussi la communication, mais seulement pour décrire la réalité. Les êtres humains l’utilisent également pour transmettre une réalité « fictive » : leur propre réalité. Les exemples sont nombreux et présents dans plusieurs champs : la religion, l’économie, l’État, la justice…
Yuval Harari affirme que ce sont « toutes des histoires que nous avons confiné dans notre imagination, afin de pouvoir vivre ensemble et dans l’ordre. Même l’économie moderne est basée sur des entités frictionnelles : la monnaie, une entreprise, le salaire d’un employé ».
L’histoire de la création de l'argent tend aussi à le démontrer. À son origine, la monnaie est une entité fictive, sans aucune valeur réelle. Aujourd’hui, c'est la fiction la plus populaire de l'histoire, parce que tout le monde y croit. Même les membres de l'État Islamique, lorsqu'ils ont envahi des villes en Syrie, qu'ils ont tué des gens et détruit des monuments historiques pour montrer leur haine. Lorsqu'ils ont pris d'assaut les banques, ils ont soigneusement gardé les milliers de dollars américains, avec des symboles américains dessus. Parce qu'eux aussi croient à la fiction de l'argent, la fiction la plus populaire de l'histoire humaine.
A lire : Retrouvez le compte-rendu du talk de Daniel Cohen "Homo Economicus ou l'addiction de l'homme à la croissance"
La construction la plus réelle de notre avenir
Les Hommes contrôlent la planète et, par conséquent, son destin. Nous vivons dans une réalité objective certes, mais tout au long de notre existence nous avons introduit une couche de réalité subjective. Et cette dernière a peu à peu pris le dessus sur la première.
Si nous contrôlons le monde, nous pouvons transformer le cours de notre avenir. Nous avons les outils nécessaires pour établir les règles du jeu de notre destin. Mais attention, nous devrons réussir à différencier réalité objective et fiction. Yuval Harari conclut en expliquant que la principale clé pour y parvenir est de regarder si l’entité en question peut souffrir.
« Nous paniquons quand il n’y a plus de crédit dans une banque, mais nous n’arrêtons pas de provoquer la souffrance d'entités réelles, d'autres humains… ».
Pour aller plus loin, découvrez notre interview de Yuval Harari et sa réflexion sur l’impact des nouvelles technologies sur l'humanité.
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